Soirée Bordeaux et écriture

Soirée Bordeaux et écriture

Dès le réveil, je plonge dans le travail que j’ai à abattre aujourd’hui. Mon seul détour sera par la cuisine afin de préparer mon thé matinal, un oolong de la haute montagne Ali de Taïwan. Nous sommes vendredi et c’est, comme chaque semaine, la veille de la parution du nouveau chapitre de « Margaux à New York ». Relectures, réécritures et corrections du texte sont au menu.

J’utilise la plateforme Wattpad pour l’écriture de mon roman, qui encourage à adopter un rythme régulier de publication. Pour ne pas être noyé par cette fréquence, qui peut être intense lorsque les impératifs de la vie s’en mêlent, j’ai mis en place des routines afin de m’assurer que chaque partie inédite passe par exactement les mêmes étapes que les précédentes, incluant différentes améliorations et des points de contrôle sur la qualité. Il en est de même pour la série que vous êtes en train de lire. Avoir rationalisé mon approche me tranquillise sur le fait de rendre public mon travail très régulièrement, ce que j’apprécie faire depuis mes premiers jours en tant qu’auteur.

 Le temps file et il est bientôt 16h, je dois partir effectuer les courses pour le dîner que j’ai prévu. Je débouche la bouteille que nous dégusterons ce soir, un Rol Valentin 2000. Le nez de ce vin de Bordeaux, un Saint-Émilion déjà âgé, est chargé d’alléchantes promesses. Je vais le laisser s’aérer lentement jusqu’à l’apéritif.

Quelques minutes plus tard à peine, je traverse en voiture à la vive allure de trente kilomètres par heure la capitale vidée en ce mois d’août de ses habitants. Le toit ouvrant de la Mercedes EQA me permet de profiter du généreux soleil de cet après-midi, qui pénètre l’habitacle et m’inonde de ses chaleureux rayons.

Le Bourdonnec, l’un de mes bouchers préférés, est ouvert en août, et j’achète un appétissant filet de bœuf maturé plus de quarante-cinq jours, une rareté. Le garçon qui me sert, l’air absent, répond précisément à mes questions, mais s’en tient au strict minimum. Fatigué ou amoureux, sans doute.

En sortant, une soudaine envie de café me monte aux papilles lorsque je me remémore le petit coffee shop un peu plus loin sur le même trottoir. Je commande un double expresso à la caisse, puis m’installe en terrasse. La faune de la rue du Cherche-midi est toujours truculente à étudier. Bourgeoise élégante se promenant avec ses enfants ; bobo sapé muni d’oreillettes en pleine discussion avec un interlocuteur fantôme ; professionnelle de l’édition préparant la rentrée littéraire entre un manuscrit annoté, un cappuccino et une brioche ; touristes égarés découvrant Paris les yeux gourmands… Entre deux observations sociologiques, je saisis des notes sur mon téléphone. Pour être dans l’ambiance et me faire voir, il faudrait que je griffonne un cahier Moleskine l’air préoccupé, un livre de Sartre négligemment ouvert sur la table tout en tirant sur une cigarette électronique le visage dissimulé derrière de larges lunettes de soleil. Mais je ne suis ni fumeur ni aficionado du papier. Je rate sûrement quelque chose.

Au retour, je m’arrête chez un primeur dans le 13e arrondissement dont j’apprécie l’achalandage et les produits. En quête d’un accompagnement pour la viande de ce soir, je tombe sur de splendides girolles, les premières de la saison. Mon vendeur m’avoue d’un air de connivence en avoir ajouté à son omelette pour son petit-déjeuner. Dois-je le croire ? Je les achète néanmoins. Le raisin blanc italien, aux généreuses grappes chargées de gros grains gorgés de sucre, commence à faire son apparition. Puis je me rends chez le fromager juste à côté. La climatisation agressive ne peut dissimuler les odeurs fortes et variées des produits de toute la France et même d’Europe qu’ils fournissent, caractéristiques des boutiques de ce corps de métier. Lorsque j’entends évoquer le Japon par une jeune femme requérant d’emballer sous vide ses achats ‐ afin d’être transportés sans empuantir l’avion ‐ je saisis la balle au bond et nous échangeons quelques instants au sujet de nos voyages respectifs vers le pays du soleil levant. Elle me confirme les très belles couleurs que nous y trouverons en novembre.

De retour à la maison, je dispose avec précaution sur la table du salon les nouveaux verres Joséphine rouge n°3 que nous étrennons ce soir. Leur forme incroyable aiguisant ma curiosité, je suis impatient de les essayer.

En fin de journée, nous échangeons avec J. par messagerie instantanée pour organiser notre voyage à l’Oktoberfest qui se déroule comme chaque année à Munich. Une petite heure est nécessaire pour nous coordonner afin de réserver l’avion et l’hôtel. Après cela, je replonge dans le travail jusqu’au retour d’O.

La fin d’après-midi est un créneau parfait pour écrire un premier jet. En général, avoir réglé les tâches du jour m’allège l’esprit. Observer les phrases peu à peu se complexifier, puis s’articuler entre elles pour, au final former l’expression concrète et communicable de la masse abstraite que j’avais en tête tient presque du miracle selon moi. Ni l’extérieur ni l’intérieur ne m’affecte pendant quelques heures, un moment de créativité précieux, qui s’arrête en début de soirée, par le retour des obligations quotidiennes.

Dès qu’O. rentre, nous prenons l’apéritif. Elle confirme l’excellente disposition que la bouteille annonce par le parfum qui s’échappe du goulot. Je sers le vin dans les verres. Le liquide fluide est encore d’un rouge profond, et seul le bord de la surface tuile légèrement sous la lumière. La première gorgée révèle un millésime splendide, expressif, déjà âgé d’un quart de siècle.

FIN

C’est tout pour aujourd’hui 🥹 J’espère que vous avez aimé cette journée dans ma vie et mon métier d’écrivain. N’hésitez pas à vous abonner si c’est le cas !

Et bien sûr si vous appréciez mon travail, vous trouverez ci-dessous le lien vers mon recueil de nouvelles érotiques contemporaines 🔽🔽

Le recueil « La Chair et l’ambroisie »

Les autres textes de la série « Les tribulations d’un écrivain »

Les nouvelle érotiques par Pascal L’Arc

L’auteur

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